INSCRIPTION

Pulpite chronique : pourquoi la pulpotomie n’est plus une option viable ?

La pulpotomie, traitement de conservation pulpaire de plus en plus plébiscité dans les cas de pulpites irréversibles, repose sur un critère fondamental : la viabilité et le potentiel de régénération du tissu pulpaire. Mais que se passe-t-il lorsque la pulpe dentaire est atteinte par une pulpite chronique ? Quels sont les changements histopathologiques induits, et pourquoi ces altérations compromettent-elles les chances de succès d’un traitement préservateur ? Cet article explore l’impact délétère de la pulpite chronique sur la pulpe dentaire et explique pourquoi, dans ces cas, la pulpotomie n’est plus indiquée.

Pulpite chronique : une inflammation persistante et délétère

Contrairement à la pulpite aiguë, la pulpite chronique se caractérise par une inflammation de bas grade, persistante, souvent asymptomatique ou peu douloureuse. Elle résulte le plus souvent d’agressions répétées ou prolongées : carie évolutive, restaurations profondes, traumatismes légers mais répétés, ou encore micro-felûres anciennes.

Les odontoblastes subissent une altération progressive ; la transformation cellulaire et tissulaire débute par des modifications physico-chimiques discrètes, initialement invisibles, dont les manifestations cliniques n’apparaissent qu’à un stade avancé. Ce processus conduit à la formation de tissu de granulation au sein du parenchyme pulpaire

Les modifications histologiques observées incluent :

  • Une infiltration chronique de cellules inflammatoires (lymphocytes, plasmocytes, macrophages)
  • Une fibrose du tissu conjonctif pulpaire
  • La formation de calcifications pulpaires 
  • La diminution progressive du réseau vasculo-nerveux

Les cellules souches mésenchymateuses pulpaire (DPSCs), essentielles à la régénération, perdent en nombre et en viabilité dans un contexte de pulpite chronique. Le potentiel de cicatrisation est donc fortement diminué, même en présence de matériaux bioactifs.

L’étude de Zhan et al. (2023) montre que l’irritation chronique des nerfs sensoriels dentaires favorise la formation de calcifications pulpaires. Cette stimulation nerveuse induit une réponse des odontoblastes, avec augmentation de la prédentine et expression de marqueurs comme la nestine. Une densité accrue de fibres nerveuses CGRP-positives suggère un rôle neurogène dans la dégénérescence pulpaire.

Toutes ces altérations induisent une perte de la fonction défensive et régénérative de la pulpe.

Cas clinique : 

Patiente de 37 ans, ASA 1, présentant des douleurs intermittentes et faible depuis 2 ans sur sa 47, qui se sont accentuées depuis la perte d’un petit fragment coronaire il y a 15 jours. 

La rétro-alvéolaire ne montre pas de pulpolithe caméral ni de LIPOE. Sans l’anamnèse, on peut penser pouvoir réaliser une pulpotomie afin de soulager la patiente et préserver la vitalité pulpaire. 

Une fois la chambre pulpaire ouverte, on découvre un tissu pulpaire faiblement vascularisé aux niveau des orifices canalaires mésiaux et blanc avasculaire en distal. Il est donc primordial de bien observer, idéalement avec des aides optiques, afin de confirmer la dégénérescence du tissu pulpaire. 

Chambre pulpaire ouverte avec émergence de tissu pulpaire résiduel hémorragique après débridement partiel, suggérant un stade de pulpite chronique mais encore vascularisé.
Vue intraorale sous digue dentaire montrant une chambre pulpaire ouverte, avec tissu pulpaire visiblement nécrosé et coloration noirâtre, évocatrice d'une dégénérescence pulpaire avancée.

Conclusion : une pulpe dégénérative ne peut pas être conservée

La pulpite chronique transforme progressivement la pulpe vitale en un tissu non fonctionnel, incapable de cicatriser ou de se défendre contre les agressions bactériennes. Bien que la pulpotomie soit une solution prometteuse dans les cas de pulpites aiguës, elle est contre-indiquée lorsque la pulpe montre des signes de chronicité inflammatoire. Dans ces situations, seul un traitement endodontique complet permet d’éliminer le foyer inflammatoire et de restaurer la santé périradiculaire.

Envie d’en savoir plus sur la pulpotomie ? Direction le blog d’endolight

Envie de voir des vidéos sur la pulpotomie ? Direction la chaine Youtube d’Endolight

📚 Bibliographie (Vancouver)

American Association of Endodontists (AAE). Treatment of irreversible pulpitis in mature teeth with a fully formed apex. Position Statement. 2021. Disponible sur : https://www.aae.org

Boyle M, Chun C, Strojny C, Narayanan R, Bartholomew A, Sundivakkam P, Alapati S. Chronic inflammation and angiogenic signaling axis impairs differentiation of dental-pulp stem cells. PLoS One. 2014 Nov 26;9(11):e113419. doi: 10.1371/journal.pone.0113419. PMID: 25427002; PMCID: PMC4245135.

Nair PNR. Pathogenesis of apical periodontitis and the causes of endodontic failures. Crit Rev Oral Biol Med.2004;15(6):348–381. doi:10.1177/154411130401500604

Siqueira JF, Rôças IN. Clinical implications and microbiology of bacterial persistence after treatment procedures. J Endod. 2008;34(11):1291–1301. doi:10.1016/j.joen.2008.07.028

Taha NA, Khazali MA. Partial pulpotomy in mature permanent teeth with clinical signs indicative of irreversible pulpitis: a randomized clinical trial. J Endod. 2017;43(9):1417–1421. doi:10.1016/j.joen.2017.04.015

Zanini M, Meyer E, Simon S. Pulp Inflammation Diagnosis from Clinical to Inflammatory Mediators: A Systematic Review. J Endod. 2017 Jul;43(7):1033-1051. doi: 10.1016/j.joen.2017.02.009. Epub 2017 May 17. PMID: 28527838.

Zehnder M. Root canal irrigants. J Endod. 2006;32(5):389–398. doi:10.1016/j.joen.2005.09.014

Zhan C, Huang M, Zeng J, Chen T, Lu Y, Chen J, Li X, Yin L, Yang X, Hou J. Irritation of Dental Sensory Nerves Promotes the Occurrence of Pulp Calcification. J Endod. 2023 Apr;49(4):402-409. doi: 10.1016/j.joen.2023.01.001. Epub 2023 Feb 8. PMID: 36758674.